vendredi 13 avril 2012

Vies sans parallèles (Vérone)

Carlo Scarpa (1906-1978)
Certaines existences se signalent par la façon dont leurs évènements les plus marquants semblent liés entre eux par un rapport capricieux, équivoque et pourtant aussi indissoluble que celui qui unit les termes d'une proposition logique. Mystérieuses, fascinantes, ces vies semblent avoir été écrites dans une langue étrangère dont les contours et le rythme nous seraient cependant familiers. Le raisonnement n'est d'aucun secours pour en percer la signification. Conçues, sans doute, pour n'être déchiffrées que par quelque biographe angélique, elles pourraient bien recéler le secret de l'existence.

A la différence des cyniques grecs ou des personnages de la Légende Dorée, dont les vies semblent illustrer quelque principe universel, les protagonistes de ces vies sans parallèles se distinguent par leur caractère laconique et leur mépris apparent des généralisations.

L'architecte vénitien Carlo Scarpa est de ceux-là. Après avoir introduit l'esthétique du bunker et son antithèse concrète, le pan de verre, dans l'architecture italienne de l'après-guerre, il devint célèbre dans les années 60 pour ses interventions sur des édifices médiévaux, coulant le béton armé entre les moellons de pierre, soutenant les murailles croulantes a l'aide d'immense pieux en fer rouillé et perçant les vieux planchers de puits de lumière vertigineux. Mort à Sendai, au Japon, des suites d'une chute dans un escalier, il fut enterré debout, enveloppé dans des bandelettes de lin, à la manière des chevaliers du Moyen-Age, près du mausolée de la famille Brion, à San Vito d'Altivole.

- Béton et verre, puits de lumière, vertige, escalier, enterré in piedi. Tout était dit.
- Qu'est ce qui était dit?
- Tout.Consummatum erat.

Installation de la statue équestre de Cangrande 1er (xive s.)
Castelvecchio, Vérone