vendredi 13 avril 2012

Deux balles dans le coeur (fait divers)

Le vendredi de Pâques, trois hommes armés font irruption dans un supermarché des environs de Reggio Calabria, demandent la caisse au patron, qui refuse de la leur donner, puis ouvrent tous le feu en même temps: frappé de six balles, dont trois au thorax, leur victime s’effondre. Ce qu’ils ne savent  pas, c’est que l’homme qu'ils viennent d'abattre et qui gît désormais à leurs pieds est le crimine, c'est-à-dire le stratège, d’une cosca locale, un membre galonné de le 'Ndrangheta. Alors qu'un des tireurs enjambe le corps apparemment sans vie pour accéder à la caisse, la victime saisit ses jambes dans un sursaut ultime, le fait trébucher puis, après lui avoir arraché son arme des mains, lui tire deux balles dans le cœur, à bout portant, avant de trépasser.


C’est le fantasme de tout crimine de venger lui-même sa propre mort. Frappée par la bestialité et par l’étrange perfection du drame, la presse italienne ne sait plus sur qui s’apitoyer. Sur le patron de supermarché dont la vengeance, exécutée avec une efficacité presque surhumaine, vient en quelque sorte couronner une carrière entièrement vouée à la violence, ou sur le braqueur, un jeune inconscient de 18 ans qui ne savait pas qu'il était en train de dévaliser le diable en personne? C’est comme si les deux crimes, dans leur imparfaite symétrie, s’annulaient l’un l’autre.

Dante aurait certainement enfermé les deux protagonistes dans la même cellule infernale. Quand à Raymond Roussel, il l'aurait transformée en générateur électrique.